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journal de marie lenéru

parle pas de sa beauté qui est un accident de la nature animale, mais de sa physionomie, on peut avoir la main aussi grande, aussi biscornue qu’on voudra, mais épaisse, rouge, gourde, jamais. Il faut que la main ait une âme. J’affirme qu’il n’y a pas une exception à la portée révélatrice de la main. Par exemple, j’ai horreur de la « belle main » grasse et molle, avec des rondeurs, les doigts boudinés — on dit fuselés — c’est trop de chair cela. Inutile d’ajouter que j’ai des mains arabes, l’attache extraordinairement fine et la main filant toute droite avec le minimum de chair.


Mardi 6 février.

En lisant des bouquins de science et de philosophie, j’éprouve une jouissance littéraire, la précision technique du langage m’enchante ; j’adore les mots. Je suis persuadée, comme Richepin, que nos âmes en sont faites. Un mot de plus, une nouvelle combinaison de préfixe, je sens physiquement un bien-être au cerveau, il me semble que la forme vient d’être donnée à une petite cellule mal léchée : inconditionné, idéation, introspection, quantitatif… Eh bien ! tout cela me fait plaisir et surtout, ah ! surtout, agrégat cohérent. Un organisme est un agré-