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ANNÉE 1900


Jeudi 24 mai.

En allant à la messe pour l’Ascension dans les petits chemins, le long des parcs, jaquette marine luisante comme une peau de phoque, cravate Robespierre éblouissante, je me sentais légère, relevant ma robe qui s’enlevait comme rien dans le glissement facile des dessous de taffetas, découvrant mes hautes bottes serrées et longues.

Me rendant compte de l’état des chemins, d’élément ambigu, je me retourne et sers, à ces dames, l’expression franc-comtoise qu’on vient de m’apprendre et qui fait mon bonheur : Ah ! nous allons tripper dans le gouillat ! Ces dames rient et moi aussi. Alors remous furieux : Oh ! seigneur, pouvoir être gaie ! que ce soit fini de l’éternelle pression sur les tempes. Oh ! l’allégresse physique d’une vraie minute gaie !

Et je l’imaginais dans sa normalité saine. Je marcherais dans ce chemin à côté d’un homme élégant et spirituel comme moi. Il aimerait, comme moi, les vanités et les vérités de la vie… Soudain l’horrible détour, je sers la merveille d’expression qu’il ignore. Double rire, nos grandes tailles se secouent par le chemin comme un balancé de quadrille. Il dit : comme vous riez clair et juste, vous avez le