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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

alors la gloire vaudra la peine, la gloire et peut-être autre chose… avant jamais. Je cherche une revanche et pas une consolation.


6 mai.

Ils ne comprennent pas encore que je ne suis pas une femme. Moi seule peut-être arrive à réaliser la notion de l’impossible. Gregh m’a dit une fois : « Tout vous viendra ». À la condition que je fasse la moitié du chemin, oui, que ce soit moi qui aille à tout, à la condition que ce soit moi qui triomphe de la barrière physique, oui. Si charmante, si émouvante que je puisse être, quel que soit le prestige de « la gloire », nul ne fera l’effraction des circonstances — je ne parle pas des avances grossières et banales des inconnus. — Je l’ai très bien senti, on est curieux de moi, mais la paresse et la timidité sont deux obstacles insurmontables. Aussi je me demande si cela vaudrait que je me donne plus de peine que les autres, si l’effort déchirant que j’ai à fournir ne me séparerait pas à jamais de ceux qui m’auront laissée le donner seule… À quoi bon préparer à un homme la femme que je peux être, aurais-je cette incroyable humilité de l’appeler à la victoire, alors qu’on me laisse aujourd’hui me débattre dans l’impossible et les tours