Page:Journal des économistes, 1844, T8.djvu/107

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absurdité. Il reste donc un prétexte, un seul prétexte à cette clause étrange, et ce prétexte, le voici : le conseil, la commission peuvent se tromper ; ils peuvent, après de mûres délibérations, adopter des projets absurdes. Ainsi, cet article du projet, c’est un brevet d’incapacité, d’imprévoyance, d’ignorance, donné par M. le directeur aux quinze hommes de France les plus consommés dans l’art de l’ingénieur, aux sommités de la science, aux hommes appelés les lumières du pays ! Quelle opinion les étrangers peuvent-ils avoir de notre belle institution des ponts et chaussées, lorsqu’ils voient leur directeur jeter dans un projet de loi la preuve la plus éclatante de sa méfiance contre les jugements des membres les plus distingués de ce corps ? Ce n’est pas envers les compagnies que ce projet est coupable, c’est envers la France, qui proteste contre un tel jugement rendu contre les plus instruits de ses enfants.

— Une découverte nouvelle menace de jeter la perturbation dans la production des métaux précieux. On dit qu’on vient de rapporter de Chine du mercure. Selon le journal qui rapporte le fait, ce métal se trouve en abondance dans ce pays. S’il en est ainsi, la dépréciation de l’argent peut marcher à pas de géant. L’on sait que, dans l’état actuel de la science, c’est par l’amalgame qu’on procède à l’extraction de l’argent de ses minerais. La production d’un kilogramme d’argent exige 2 kilogrammes de mercure. La production de l’argent est donc subordonnée à celle du mercure, et jusqu’ici la Providence, qui avait donné à l’Espagne la possession des contrées argentifères, semblait lui en avoir départi le monopole, en lui donnant aussi la seule mine de mercure digne de ce nom.

Si la nouvelle de l’existence du mercure en Chine se confirme, c’en est fait du monopole de l’Espagne ; et l’argent va devenir de plus en plus commun. Il paraît que depuis quarante ans la quantité d’argent a doublé en France ; il faudra bien moins de temps encore pour opérer une nouvelle dépréciation dans sa valeur en Europe, s’il est vrai que la Chine doive fournir au Mexique la matière première de son extraction, aujourd’hui monopolisée par les possesseurs des mines d’Almaden.

Une telle découverte, si elle se confirme, peut donc devenir la question financière la plus grosse d’événements, et la cause de l’ébranlement d’immenses fortunes.

— Les bienfaits des sciences sont incalculables. Lors de la discussion de la loi des sucres, nous avons pensé et dit que, quoi qu’on fasse, le sucre de betteraves est un fait acquis, et que, même à armes égales, il lutterait contre celui des colonies. Voici qu’une découverte importante confirme nos assertions. Des fabricants obtiennent aujourd’hui de premier jet, et sans qu’on soit obligé de passer par les opérations habituelles du raffinage, du sucre blanc, pur et presque sans mélasse. Ainsi, d’une part, économie de main-d’œuvre et de fabrication ; de l’autre, production plus considérable, car la mélasse n’est rien autre que du sucre dénaturé.

Voilà la loi dernière éludée, voilà la question revenue. Voilà l’industrie des sucriers français qui, tout en menaçant, acquiert un titre de plus à la reconnaissance du pays ; voilà qu’elle a jeté de plus profondes racines. Que fera l’administration ? c’est une question qu’il est difficile de résoudre.

— Il paraît que le jury de l’exposition vient de décider que le prix des produits exposés serait mis sous les yeux du public. Le jury a longtemps hésité à exiger cette mesure de la part des fabricants, et, en vérité, lorsqu’on songe au