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LETTRE INÉDITE DE JEAN-BAPTISTE SAY
sur
LA BANQUE DE FRANCE[1].




À M. NAPIER, À ÉDIMBOURG,

Paris, 14 août 1816.

Mon cher monsieur,


J’ai reçu la lettre dont vous m’avez favorisé, sous la date du 4 courant, et suis sensible à votre souvenir et aux témoignages d’estime dont vous l’accompagnez. Je m’empresse d’y répondre en vous communiquant les renseignements que vous me demandez sur la Banque de France.

Vous savez que la Banque fut reconnue par le gouvernement de Bonaparte et reçut de lui, par une loi du 24 germinal an XI (14 avril 1803), le privilège exclusif de mettre en circulation des billets au porteur. Le motif apparent fut de présenter au public une garantie plus respectable des billets en émission. Le motif réel fut de faire payer par la Banque le privilége exclusif d’avoir dans la circulation des billets ne portant point intérêt. Elle acheta ce privilége, comme la Banque d’Angleterre, en faisant des avances au gouvernement.

Les événements marchèrent. La campagne d’Austerlitz eut lieu. Le public, qui savait que la Banque avait été obligée de prêter à Bonaparte vingt millions de ses billets, et voyant sur les bras de ce prince l’Autriche et la Russie, le crut perdu et se porta en foule à la Banque pour avoir le remboursement de ses billets. Elle en suspendit le payement en décembre 1805. La bataille d’Austerlitz eut lieu le 2 décembre. La capitulation de Presbourg fut la suite de cette victoire. Bonaparte devint maître, plus que jamais, des ressources de la France. Il s’acquitta envers la Banque, qui reprit ses payements au commencement de 1806.

Bonaparte se prévalut des extrémités où lui-même avait jeté la Banque, et

  1. Bien que cette lettre ne contienne aucune discussion de doctrine, nous avons pensé qu’elle serait lue avec intérêt en ce moment, parce qu’elle donne une analyse rapide des antécédents de la Banque de France jusqu’en 1816. Cette lettre et plusieurs autres morceaux inédits feront partie du quatrième volume actuellement sous presse des Œuvres complète de Jean-Baptiste Say (t. XII de la Collection des principaux économistes). Ce volume contiendra, en outre, le Catéchisme d’économie politique, les Lettres à Malthus, le Petit volume, la correspondance et des Mélanges de littérature et de morale. (Note de la rédaction.)