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218 JOURNAL DES ÉCONOMISTES. les premiers temps, qu’une curiosité dont on ne soupçonnait pas l’importance ; ce n’est que plus tard, en se généralisant, en faisant que ce qui n’était autrefois qu’une rare exception, un objet de luxe, le privilège de quelques-uns, descendît à la portée de tous, devînt un usage et un besoin général, que cette admirable invention a pu avoir une influence qui méritât de fixer l’attention du législateur et du public. Or, il nous semble qu’il se fait aujourd’hui, dans la locomotion des personnes et des choses, une révolution à peu près semblable à celle commencée il y a quelques siècles par l’imprimerie et qui se continue encore aujourd’hui. ...........................L’art ingénieux De peindre la parole et de parler aux yeux est fort ancien ; mais quel rapport existe-t-il entre l’usage qu’on en faisait autrefois et celui qu’on en fait aujourd’hui? Ces heureuses transformations ne sont pas instantanées ; leur développement a besoin d’un élément indispensable pour toutes choses : le temps. Le devoir du législateur est d’abord de ne pas contrarier ce mouvement, ensuite de le seconder dans une juste mesure. Les efforts exagérés que lui ferait faire un zèle inconsidéré seraient plus nuisibles qu’utiles. Si, à l’apparition de l’imprimerie, on eût multiplié indéfiniment les presses, si on leur eût donné immédiatement cette puissance de reproduction qu’elles ont atteinte maintenant, si, dès lors, on avait stéréotypé les planches et coulé des clichés, si on avait voulu imprimer tout ce qui s’écrivait, on aurait fait des dépenses énormes aussi mal conçues alors qu’elles sont utiles aujourd’hui. Ce n’était pas le tout d’avoir trouvé le moyen de multiplier les livres à l’infini, il fallait aussi multiplier les lecteurs ; c’est ce que l’imprimerie elle-même devait contribuer à faire, mais avec le temps seulement. Il devait arriver nécessairement qu’en imprimant plus on lirait davantage, et qu’en lisant davantage on imprimerait plus. Il en est de même de toute production et de toute consommation ; l’une et l’autre croissent successivement, et s’élèvent parallèlement lorsqu’elles sont abandonnées à leur influence réciproque et aux seules forces de l’industrie particulière. Les pertes qui résultent d’une production exagérée, les bénéfices qu’engendre une production insuffisante, règlent ce mouvement ascensionnel et progressif dans de justes limites ; mais elles sont bientôt franchies lorsque l’État se fait producteur, ou qu’il s’est arrangé de manière à couvrir les pertes de l’industrie privée par des mesures financières spéciales. Alors rien n’indique plus où il faut s’arrêter. Après un canal peut venir un autre canal, après un chemin de fer un autre chemin de fer. Pourquoi celui-ci plutôt que celui-là, et pourquoi pas tous les deux ? On doit concevoir cependant qu’il y a certaines entreprises qu’il est juste et rationnel d’exécuter, qu’il y en a beaucoup d’autres qu’il est aussi juste et aussi rationnel d’ajourner ; que, dans des questions aussi gra