Page:Journal des économistes, 1850, T27.djvu/239

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lant assez abondant pour entretenir et faciliter toutes les opérations sérieuses de la communauté, et en même temps en garantir la solidité et la convertibilité, au milieu même de toutes les fluctuations du commerce ; tel a été l’objet constant des mesures variables que l’État a successivement adoptées à l’égard des banques. »

C’est dans cette vue qu’on avait imaginé autrefois un premier système, assez simple en apparence, qui a été en pleine vigueur jusqu’en 1838, et dont il reste encore aujourd’hui, comme on le verra tout à l’heure, d’assez notables débris.

Il consistait essentiellement en une sorte de solidarité établie entre toutes les banques.

Dans ce système, les banques s’établissaient assez facilement ; aussi le nombre en était-il considérable. Elles ne s’établissaient pas cependant sans avoir obtenu de la législature une charte d’incorporation, délivrée pour un temps déterminé et qui leur imposait certaines conditions. La première de ces conditions était, qu’elles ne pourraient émettre de billets que jusqu’à concurrence d’une certaine somme, déterminée, pour chacune d’elles, d’après l’importance de sort capital effectif. Il est impossible de ne pas voir une analogie frappante entre cette disposition et plusieurs de celles qui ont été adoptées, en 1844, en Angleterre. La seconde condition essentielle était qu’elles contribueraient toutes, chacune selon ses moyens, à constituer un fonds commun de garantie, safety fund, destiné à rembourser les dettes de celles qui viendraient à faillir.

Pour constituer ce fonds de garantie, en obligeait donc chaque banque à verser annuellement dans une caisse commune, mise sous la garde d’un fonctionnaire public, un demi pour 100 de son capital. De cette manière, la somme mise en réserve grossissant d’année en année par ces apports successifs, le fonds de garantie devait être dans quelque temps, on l’espérait dit moins, assez considérable pour garantir la société contre toutes les pertes imprévues dont les faillites des banques pourraient la menacer.

L’idée de ce système avait d’abord souri, et il faut convenir qu’elle était au premier abord assez séduisante. On établissait ainsi entre toutes les banques une sorte d’assurance mutuelle ; non pas, il est vrai, au profit de ces banques et pour les indemniser de leurs pertes, mais au profit du public, qu’elles garantissaient en commun contre les catastrophes particulières. Il est juste d’ajouter que ce système a fonctionné pendant quelque temps avec une apparence de succès. Mais il n’a pu résister à la première épreuve un peu rude qu’il a eu à subir ; et si l’on veut bien y réfléchir, on comprendra que la défaillance en était inévitable.

Cette sorte de solidarité établie entre toutes les banques était, au fond, aussi fâcheuse qu’injuste. Elle induisait le public à mettre toutes les banques, bonnes ou mauvaises, sur la même ligne ; à leur accorder à toutes, qu’elles fussent bien ou mal établies, bien ou mal administrées, une confiance égale, puisque les dettes qu’elles pourraient contracter étaient également garanties par le fonds commun. Par là, elle dispensait aussi les directeurs de ces banques de travailler à conquérir la confiance du public, en la justifiant par une conduite prudente et sage. Elle les encourageait indirectement à quitter la bonne voie pour se jeter dans des spéculations aventureuses, et provoquait ainsi ces mêmes désastres qu’elle avait pour objet de prévenir.