Page:Journal des économistes, 1859, T24.djvu/404

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das droits absolus de propriété, et quels sont-ils ? Il est clair que c’est là forcément le premier objet et la base de ces recherches[1]. »

Il va sans dire que je maintiens d’abord à l’endroit de M. V. Modeste l’observation que j’ai cru devoir faire à M. F. Passy. Mais poursuivons.

« Ce qu’il nous faut d’abord c’est une sorte d’étalon de mesure précis, certain, incontesté. Plus tard, en y rapportant la propriété intellectuelle, si nous trouvons une conformité parfaite, la conclusion est formulée d’avance, la propriété intellectuelle sera une propriété[2]. »

M. V. Modeste constitue ensuite la théorie générale du droit de propriété, et il ne le fait pas autrement que M. F. Passy lui-même. Puis il choisit la propriété foncière pour le type auquel il se propose de rapporter la propriété intellectuelle. Il faut convenir que c’est là une méthode ; mais est-elle bien à l’abri de tout reproche d’empirisme ? Pourquoi faut-il d’abord à l’auteur un étalon de mesure précis, certain, incontesté pour établir la théorie de la propriété intellectuelle, s’il peut s’en passer pour établir la théorie de la propriété foncière ? Le droit de propriété sur la richesse intellectuelle ne peut-il donc se constituer à priori comme le droit de propriété sur la terre ? Évidemment il doit le pouvoir ; et, s’il le peut, qu’y a-t-il à gagner à l’établir autrement ?

Rien. Et s’il faut tout dire, je crains même qu’il n’y ait quelque chose à perdre : car je doute que M. V. Modeste puisse trouve une conformité parfaite entre la propriété intellectuelle et la propriété foncière. Je sais bien que le droit de propriété est un dans son principe ; mais je sais aussi qu’il est varié dans ses applications, en raison de la variété même des objets auxquels il s’applique et des portions de la richesse sociale sur lesquelles il s’exerce. Or, quoique j’aie encore à désirer des notions exactes sur la richesse intellectuelle, j’ai tout lieu de croire qu’elle diffère essentiellement de la richesse foncière.

Mais laissons l’auteur suivre son procédé.

J’aurais certes beaucoup à dire sur la façon dont M. V. Modeste constitue la théorie de la propriété foncière. Il m’est impossible d’accepter que le travail crée un champ là où il n’y avait qu’une superficie, et que le fruit du travail agricole soit la valeur tout entière de la terre[3]. Ce mot de M. J. Simon : « Ce champ est à moi, dit le laboureur… sur un roc nu et dépouillé j’ai créé par mes sueurs une terre fertile[4] ; » cet autre de M. Michelet, cité par M. V. Modeste : — « Le cultivateur a sur la terre un droit qui certes est le premier de tous, celui de l’avoir faite, » sont des phrases dont l’évidente exagération fait tout à la fois l’éloquence

  1. Page 129.
  2. Idem.
  3. Page 143.
  4. Préface, p. vi.