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était doux de mourir il y a trois ans aujourd’hui ! et cette belle élégie latine : « Le six du mois d’avril, à la première heure du jour, dans l’église de Sainte-Claire d’Avignon, cette lumière fut enlevée au monde lorsque j’étais à Vérone, hélas ! ignorant de mon propre sort ! La malheureuse nouvelle nous en fut apportée par une lettre de mon ami Louis ; elle me trouva a Parme, le 19 mai, au matin. Ce corps, si chaste et si beau, fut déposé dans l’église des frères mineurs, le soir du jour même de sa mort. Son âme, je n’en doute pas, est retournée au ciel, d’où elle était venue. »

Touchant éloge, bien digne d’une des plus belles et des plus innocentes femmes de son siècle. Le culte qui s’est établi autour du tombeau de la belle Laure est tout-à-fait un culte poétique. On la vénère comme une personne poétique ; mais on l’aime comme une simple bourgeoise. Elle eut la beauté d’une Italienne et le chaste maintien d’une Française ; elle se retira dans le foyer domestique comme dans un sanctuaire impénétrable à tout autre amour qu’au saint et éternel amour, qui commence sur la terre, mais qui continue dans le ciel pour ne plus finir. Elle était simple, elle était bonne, elle était douce, elle était humble d’esprit et de cœur, elle était la seule dans ce monde, ou elle fut tant chantée, qui ne se doutât pas de sa beauté divine ; elle n’en crut même pas les vers de Pétrarque. Laure est l’idéal de la femme belle et modeste ; à coup sur elle était née pour rester vierge dans un cloître, ou pour être dans le monde la mère d’une nombreuse famille ; car c’était là une femme qui comprenait tous les devoirs de la femme, et qui fut aussi chaste dans le mariage qu’elle l’aurait été dans le célibat.

Grâce à tant de vertus, à tant de beautés et aussi à tant