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l’Ouessant, en 1778 ; l’année suivante, il conduisit une escadre de Toulon à Cadix, dans les commencemens du blocus de Gibraltar ; il servit ensuite en Amérique, sous les ordres le l’amiral Guiellen ; il mourut en pleine mer, en 1788, à la vue de Cadis : il était le troisième chef d’escadre par rang d’ancienneté.

Certainement ce sont là des hommes honorables et d’illustres aïeux, de véritables chefs de famille ; ce sont la de dignes descendans de la belle Laure. Toutes les dignités et toutes les vertus se rencontrent dans cette famille. L’évêque chrétien, le magistrat, le guerrier, le chef de police municipale, le marin, le voyageur, tous hommes actifs et distingués, voilà certes une famille en avant ! Et ne croyez pas que dans toutes ces variations de fortune cette famille ait jamais oublié sa grande et charmante aïeule, Laure de Noves, chantée par Pétrarque. Au contraire, c’était le culte de cette maison, Laure était le bon génie, la dame blanche d’Avenel pour la maison de Sade ; on l’invoquait dans les dangers de la famille ; on la remerciait dans ses joies ; elle en était la gloire et l’orgueil. Ainsi, au milieu du dix-huitième siècle, François-Paul de Sade, élégant écrivain, homme d’esprit et de style, d’abord abbé d’Uxeuil, d’abord perdu dans toutes les joies frivoles et charmantes du dix-huitième siècle, prit de bonne heure sa retraite, et après avoir dit adieu à l’esprit, au scepticisme, aux grâces peu voilées, au bon goût et au luxe du Paris de Louis XV, il se retira dans une petite maison qu’il avait près de Vaucluse, et là il passa sa vie, non pas dans les austérités de la pénitence chrétienne, non pas dans le vague et stérile repentir de sa vie passée, mais dans le culte qu’il avait voué au bon génie de sa famille. La belle Laure fut en effet pour François de Sade toute l’occupation de sa vie. Il lui voua un culte véritable, il lui con-