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c’est moi qui ai épargné ce livre abominable ! Hélas ! j’ignorais ce qu’il contenait : c’est un dépôt de la confession ; mais, malheureux que je suis, moi qui devais l’anéantir, moi, j’ai mis dans ma maison ce livre abominable, et ma maison n’a pas croulé, et je n’ai pas été frappé par le feu du ciel ! Que vos jugemens sont inexplicables, ô mon Dieu ! C’est que vous vouliez me frapper d’une punition plus terrible. Que votre volonté soit faite sur la terre comme dans le ciel !

« Mes frères, unissez vos prières aux miennes, levez vos nains au ciel. Nous dirons aujourd’hui la messe des morts pour Julien, ma victime ; et s’il vous reste quelques prières et quelques larmes, priez aussi, priez pour votre pasteur infortuné : il a grand besoin de pitié ici-bas et de miséricorde la-haut. »

Cette histoire très-simple, que je tenais si bien cachée dans mon âme, vous en dira plus que personne au monde n’en pourrait dire sur les œuvres du marquis de Sade. Comment j’ai lu ce livre, après cette histoire dont j’avais été le témoin, vous le savez déjà : c’était pour me faire parade, à moi-même, de ma force morale, car c’est là un des grands dangers de ces horribles volumes : on a toujours un prétexte pour les ouvrir ; on les ouvre par innocence, on par curiosité, ou par courage, comme une espèce de défi qu’on se fait à soi-même. Quant à ceux qui les pourraient lire par plaisir, ils ne les lisent pas : ceux-là sont au bagne ou à Charenton.

Mais je vous ai promis l’histoire complète de cet homme, je vous la ferai complète. Je vous ai dit tout à l’heure qu’il s’était marié à une jeune personne douce et belle ; il eut bientôt montré dans ce mariage toute son horrible nature. Ses atroces penchans se furent bientôt révélés par mille petites tentatives de meurtre accompagnées de circonstances