Page:Jules Simon - La liberte de conscience, 1872.djvu/340

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situation d’une des parties, modifie les conditions du traité. Le droit de l’État à viser toutes les publications de la cour de Rome est donc fondé en raison ; mais plus il résulte nécessairement du régime de la protection, et plus il montre ce qu’une Église perd à devenir partie d’un corps politique.

Cette expression dont je me sers à dessein est parfaitement juste ; et elle est à elle seule un argument contre le régime des concordats. En vain une Église protégée voudrait-elle échapper à cette dénomination en invoquant sa mission spirituelle : les prêtres protégés et salariés sont évidemment des fonctionnaires. Ils dépendent du ministre des cultes ; ils reçoivent de lui des ordres. Ils sont astreints à prononcer certaines prières[1], à rendre aux autorités civiles certains honneurs, à paraître dans les réceptions et les cérémonies officielles. Si l’État ne les contraint pas à porter un costume de son choix, c’est qu’il dédaigne d’user de son droit incontestable à cet égard[2]. Le premier Empire avait fait insérer dans le catéchisme le devoir d’honorer et de servir fidèlement l’empereur[3]. Le serment des évêques et des curés, réglé par le concordat, est ainsi conçu ; « Je jure et promets à Dieu sur les saints Évangiles, de garder obéissance et fidélité au gouvernement établi par la Constitution de la république française. Je promets aussi de n’avoir aucune intelligence, de n’assister

  1. Concordat, art. 8. Art. org., titre III, art. 49. « Lorsque le gouvernement ordonnera des prières publiques, les évêques se concerteront avec le commandant militaire du lieu, pour le jour, l’heure et le mode d’exécution de ces ordonnances. »
  2. Art. org., titre III, art. 43. « Tous les ecclésiastiques seront habillés à la française et en noir. Les évêques pourront joindre à ce costume la croix pastorale et les bas violets. » — Titre II, sect. 1, art. 12. « Il sera libre aux archevêques et évêques d’ajouter à leur nom le titre de citoyen ou celui de monsieur. Toutes autres qualifications sont interdites. »
  3. « D. Que doit-on penser de ceux qui manqueraient à leur devoir envers notre empereur ? — R. Selon l’apôtre saint Paul, ils résisteraient à l’ordre établi de Dieu même, et se rendraient dignes de la damnation éternelle. »