Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/172

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La nuit, je me couche dans une malle, — en chemise.


Je me couche en chemise !
Dieu puissant ! favorise
Cette sainte entreprise !


Partirai-je seul ?

C’est bien ennuyeux ! Et puis à plusieurs on peut s’emparer d’un navire, faire le corsaire, au besoin mener les révoltes, et quand on est fatigué, fonder une colonie.

Qui entraînerai-je dans cette expédition ?

Malatestat est justement parti d’hier.

Sa mère est tout d’un coup tombée malade, et il est allé la voir.

Il adore sa mère, une mauvaise mère, cependant !

Elle lui envoie toujours des pastèques, des dattes et des oranges ; elle lui fait passer de l’argent en cachette du proviseur.

« Elle est donc bien riche, ta mère ? lui demandai-je un jour.

— Non, mais elle est si bonne !

— Tu l’aimes bien !

— Si je l’aime ! »

Il me dit cela avec une petite larme dans les yeux.

Lui qui doit être soldat !

Avoir une si mauvaise mère et l’aimer tant ! Une mère qui le console quand il est puni, qui mange peut-être moins de pain pour que son enfant ait plus d’oranges !