M. Laurier lui-même a fait observer que ce n’était point de mise à la ville ; ma mère a répondu :
« Croyez-vous donc que je rougisse de mon origine ? Voulez-vous que j’aie l’air d’être honteuse de mes sœurs et de ne pas oser sortir avec ma nièce parce qu’elle a un bonnet de campagne ?… Ah ! vous me connaissez mal, monsieur Laurier ! »
Un jour cependant elle crut avoir assez brisé la volonté de sa nièce, et, assez prouvé qu’elle ne rougissait pas de son origine ; elle supprima la coiffe ; mais elle dicta un bonnet, coupa elle-même une robe.
« Je ne sortirai jamais habillée comme ça, dit Marianne le jour où on les essaya.
— Tu entends par là que ta tante n’a pas de goût, que ta tante est une bête, qui ne sait pas comment on s’habille, qui souillonne ce qu’elle touche. Ah ! je souillonne ?…
— Je n’ai pas dit ça, ma tante.
— Et hypocrite avec ça ! — Oui va-t’en dire partout que je souillonne les robes de mes nièces — Tu ajouteras peut-être aussi que je les laisse mourir de faim ! »
Une pause.
Tout d’un coup se tournant vers moi, d’une voix qui était vraiment celle du sang, dans laquelle on sentait mourir la tante et ressusciter la mère :
« Jacques, fit-elle, mon fils, viens embrasser ta mère… »
Tant d’amour, de tendresse, cette explosion, ce