Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/254

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Elle renaît, redevient espiègle, reprend des couleurs. Elle est entrée un jour dans le cabinet de mon père, toute joyeuse.

« Antoine ! — et elle lui a parlé à l’oreille.

— Tu es sûre, » a répondu mon père avec stupeur et en dérangeant son bonnet grec.

Elle se contente de hocher la tête en souriant.

« Il ne s’agit plus que de les surprendre… »

Elle enlève le bonnet grec et dépose d’un geste à la fois langoureux et hardi, sur le front d’Antoine, son époux, mon père, un baiser furtif.


On a surpris quelque chose ce matin, je ne sais pas quoi, mais ma mère a mis son châle jaune, et son beau chapeau — celui au petit melon et à l’oiseau au gros ventre. Elle va chez la femme du proviseur.

Elle en revient en se frottant les mains, et en balançant joyeusement la tête : à en faire tomber l’oiseau et le melon.

Dix minutes après, je vois Margoton qui fait ses paquets et à qui on règle son compte. Elle a laissé de la viande dans son assiette : qu’y a-t-il ?

Les larmes lui sortent des yeux comme des gouttes de bouillon.

« Madame, c’était pour le bon motif !

— Pour le bon motif !… dans une cave !… »

Qu’est-ce que c’est que le bon motif ? On ne m’en dit rien, mais quelques jours après, ma mère parlant à mon père cause de Margoton.