Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/258

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sa femme, mais qui nage comme un poisson et a une médaille de sauvetage. Il a retiré de l’eau l’inspecteur d’académie qui allait se noyer. On lui a donné cette chaire de chausson et de danse au lycée en manière de récompense et de gagne-pain. Il y a adjoint son cours de maintien, qui est très suivi, parce que M. Soubasson a la vue basse, l’oreille dure, aime à téter, et qu’en lui portant aux lèvres un biberon plein de tord-boyaux, on est libre de faire ce qu’on veut dans son cours.

Dieu sait ce qu’on n’y fait pas !

Mais moi j’ai des leçons particulières en dehors du lycée. M. Soubasson vient à la maison. Il amène son fils, que mon père saupoudre d’un peu de latin, et en échange, M. Soubasson me donne des répétitions de maintien.

Ma mère y assiste.

« Glissez le pied, une, deux, trois, — la révérence ! — souriez !

— Tu entends, Jacques, souris donc ! mais tu ne souris pas ! »

Je ne souris pas ? Mais je n’en ai pas envie.

Il faut essayer tout de même, et je fais la bouche en chose de poule.

Ma mère elle, minaude devant la glace, essaye, cherche, travaille et trouve enfin un sourire qu’elle me présente comme une grimace.

« Tiens comme cela ! »

Je dois aussi tenir le petit doigt en l’air, ça me fatigue !