Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/263

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Je me sens grandir, j’oublie les anciens. Je songe plus à ce que je deviendrai qu’à ce qu’est devenu l’empereur romain. Ma facilité, mon imagination s’évanouissent, meurent, sont mortes !!! (Bossuet, Oraisons funèbres).


Un M. David, qui est président de l’Académie poétique de Nantes, donne de grandes soirées. Il invite les professeurs et leurs femmes à venir danser chez lui.

C’est dans un grand salon nu, où il y a le buste de Socrate sur la cheminée. Une jeune dame le regarde et dit :

« C’est donc si vilain que ça, un philosophe ? »

Ma mère vient avec mon père, naturellement, et même on m’a amené au commencement.

Notre arrivée est annoncée avec plaisir, et est accueillie avec faveur.

Mon père est, comme toujours, sec, maigre, le nez en corne, le front comme un toit sur des yeux gris : on dirait deux chats sous une gouttière. Il a l’air peu commode.

Ma mère !… hum !… ma mère !… Elle a une robe raisin avec une ceinture jaune ; aux poignets, des nœuds jaunes aussi, un peu bouffants, comme des nœuds de paille à la queue troussée d’un cheval. Rien que ça comme toilette. Être simple, c’est sa devise.

Une fois seulement, elle a ajouté l’oiseau de son chapeau — en broche, le bec en bas, le chose en l’air.