Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/317

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Nous, nous filons sur les Hollandais, au Palais-Royal. C’est le café des saint-cyriens et des volailles. On appelle volailles, ceux qui se destinent aux écoles à uniforme et en ont un déjà, à bande orange, à collet saumon, avec des képis à visières dures, à galons d’or ou d’argent.

Quoique des lettres, je suis bien avec les volailles, surtout avec les Lauriol. Malheureusement, je n’ai que des semaines de vingt sous, et je suis forcé d’y regarder à deux fois avant de trinquer.

Un jour j’ai eu une fière peur. Nous avions joué et j’avais perdu 1 franc 50. À partir de la première partie, je voulais me lever ; je n’ai pas osé.

« Allons, allons, reste là ! »

Sueur dans le dos, frissons sur le crâne.

Je joue mal, et je laisse voir mes dominos. Tout est fini, j’ai la culotte !…

Par bonheur on se battit. Il s’éleva une querelle entre une volaille jaune et une volaille rouge, entre des nouveaux et des anciens de Saint-Cyr, et les carafons se mirent à voler.

Ce fut une mêlée, je m’y jetai à corps perdu.

Je comptais sur quelque coup qui me mettrait en pièces. Pas de chance ! Je donne beaucoup et ne reçois rien.

Je n’en fus pas moins sauvé tout de même.

On nous jeta à la porte, tout un lot, pour débarrasser la place, et je partis vers le Sanglier, devant trente sous aux Hollandais ; mais j’avais jusqu’à l’autre dimanche.