Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/326

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Je sentais le moment où ce misérable Legnagna, dans son dépit de me voir sans succès, me porterait trop de coups sourds. Je lui aurais, un beau matin, cassé les reins.

J’avais même songé une fois à filer pour tout de bon : non pas pour aller flâner aux Champs-Élysées ou devant les saltimbanques, comme je faisais quand je manquais la classe ; mais pour lâcher la pension du coup, et me plonger, comme un évadé du bagne, dans les profondeurs de Paris.

Qu’aurais-je fait ? Je l’ignore.

Mais je me suis demandé souvent s’il n’aurait pas autant valu que je m’échappasse ce jour-là, et qu’il fût décidé tout de suite que ma vie serait une série de combats ? Peut-être bien.

Ma résolution était presque prise. C’est Anatoly-le-Pacifique qui la changea, parce qu’il crut bon d’avertir Legnagna.

Celui-ci me fit venir et me dit qu’il savait ce que je voulais faire. Il ajouta qu’il avait prévenu le commissaire, et que si je m’échappais, j’appartenais aux gendarmes. Ce mot me fit peur.

C’est sur ces entrefaites que je composai une pièce en distiques, qui fut, paraît-il, une révélation. J’aurais le prix si je m’en tirais comme cela au concours.

Le prix au concours, je voudrais bien. Ce serait pour payer ma dette, et en sortant de la Sorbonne, en pleine cour, je prendrais les oreilles de Legnagna et je ferais un nœud avec.