Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/342

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un bout de caleçon. Ah ! si ç’avait été moi ! va ! Oui le drap est bon. Seulement nous n’avons pas de pièce (examinant un fond rayé) ; pour ce fond-là je ne vois que le tapis de ma chambre. Je pourrai arranger cette doublure avec mes vieux rideaux. »

Diable !

« Tu ne peux pas faire des conquêtes avec ça, par exemple. Et moi j’aime bien un homme qui a un peu de coquetterie dans sa toilette, — une redingote verte, — un pantalon à carreaux… Oh ! je ne voudrais pas qu’on en abuse ! Plaire, mais non pas se lancer dans le vice ; parce qu’on est bien mis, ne pas rouler dans la vie dorée, non ! mais, tu diras ce que tu voudras, un brin d’originalité ne fait pas mal, et je ne t’en aurais pas voulu, si on s’était retourné pour te regarder à mon bras dans la rue. Qui est-ce qui se retournera pour te regarder ? personne ! Tu passeras inaperçu. Enfin, si tu es modeste !… (il y a un peu d’ironie et de désappointement dans l’accent), mais c’est du bon, je ne dis pas que ce n’est pas du bon. »


« Où me mènes-tu dîner ? »

Elle dit ça presque comme mademoiselle Herminie le disait à Radigon, en me câlinant.

Il me va et me touche, cet air bon enfant, et je lui parle tout de suite de Tavernier, à trente-deux sous.

« Je voudrais aller une fois aux Frères-Provençaux ou chez Véfour ; — pour une fois, on n’en meurt pas, va ; puis ton père a fait une si bonne année ! »