Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/48

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ma mère, hors de la salle, jusqu’à la lingerie, où on me déshabille.

Ma mère me contemple avec plus de pitié que de colère.

« Tu n’es pas fait pour porter la toilette, mon pauvre garçon ! »

Elle en parle comme d’une infirmité et elle a l’air d’un médecin qui abandonne un malade.

Je me laisse faire. On me loge dans la défroque d’un petit, et ce petit est encore trop grand, car je danse dans ses habits. Quand je rentre dans la salle, on commence à croire à une mystification.

Tout à l’heure j’avais l’air d’un léopard, j’ai l’air d’un vieillard maintenant. Il y a quelque chose là-dessous.

Le bruit se répand dans certaines parties de la salle, que je suis le fils de l’escamoteur qui vient d’arriver dans la ville et qui veut se faire remarquer par un tour nouveau. Cette version gagne du terrain ; heureusement on me connaît, on connaît ma mère ; il faut bien se rendre à l’évidence, ces bruits tombent d’eux-mêmes, et l’on finit par m’oublier.

J’écoute les discours en silence et en me fourrant les doigts dans le nez, avec peine, car mes manches sont trop longues.


À cause de l’orage, la distribution a lieu dans un dortoir, – un dortoir dont on a enlevé les lits en les entassant avec leurs accessoires dans une salle voisine. On voyait dans cette salle par une porte vitrée,