Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/69

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pour voir s’il pense comme elle, et s’il sait de quoi elle veut parler ; — en effet, il se penche et montre qu’il comprend.


Je n’ai plus rien à faire siffler, tambouriner, grincer, et l’on m’a permis seulement de traîner un petit bout de langue sur les bonbons fins : et l’on m’a dit de la faire pointue encore ! Il y avait Eugénie et Louise Rayau qui étaient là, et qui riaient en rougissant un peu. Pourquoi donc ?

Plus de gros vernis bleu qui colle aux doigts et les embaume, plus le goût du bois blanc des trompettes !…

On m’arrache tout et l’on enferme les étrennes sous clef.

« Rien qu’aujourd’hui, maman, laisse-moi jouer avec, j’irai dans la cour, tu ne m’entendras pas ! rien qu’aujourd’hui, jusqu’à ce soir, et demain je serai bien sage !

— J’espère que tu seras bien sage demain ; si tu n’es pas sage, je te fouetterai. Donnez-donc de jolies choses à ce saligot, pour qu’il les abîme. »

Ces points vifs, ces taches de couleur joyeuse, ces bruits de jouet, ces trompettes d’un sou, ces bonbons à corset de dentelle, ces pralines comme des nez d’ivrognes, ces tons crus et ces goûts fins, ce soldat qui coule, ce sucre qui fond, ces gloutonneries de l’œil, ces gourmandises de la langue, ces odeurs de colle, ces parfums de vanille, ce libertinage du nez et cette audace du tympan, ce brin de folie, ce petit coup de