Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/97

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Devoir aussi, il a un grade, et quelquefois c’est moi qui attache les rubans à sa canne et brosse sa redingote de cérémonie. Les jours ordinaires, il me laisse planter des clous et prendre des coins de maroquin rouge.

Je suis presque de la famille. Mon père m’a mis en pension chez eux ; il dîne je ne sais où, au collège sans doute, avec les professeurs d’élémentaires. Moi, j’avale des soupes énormes, dans des écuelles ébréchées, et j’ai ma goutte de vin dans un gros verre, quand on mange le chevreton.

Ils sont heureux dans cette famille ! — c’est cordial, bavard, bon enfant : tout ça travaille, mais en jacassant ; tout ça se dispute, mais en s’aimant.

On les appelle les Fabre.

L’autre famille du rez-de-chaussée, les Vincent, sont épiciers.


Madame Vincent est une rieuse. Je les trouve tous gais, les gens que je vois et que ma mère méprise parce qu’ils sont paysans, savetiers ou peseurs de sucre.

Madame Vincent n’est pas avec son mari. On ne l’a vu qu’une fois, vêtu en Arabe, avec un burnous blanc, mais il n’est resté que deux heures, et est reparti.

Il paraît qu’ils sont séparés — judiciairement — je ne sais pas ce que c’est, et il vit en Afrique, en Algère, dit Fabre.

Il était venu pour chercher un de ses fils. Madame