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l’abandonné.

Vers cette époque, l’onagga femelle mit bas un petit qui appartenait au même sexe que sa mère, et qui vint à merveille. Au corral, il y eut, dans les mêmes circonstances, accroissement du troupeau de mouflons, et plusieurs agneaux bêlaient déjà sous les hangars, à la grande joie de Nab et d’Harbert, qui avaient chacun leur favori parmi les nouveaux-nés.

On tenta aussi un essai de domestication pour les pécaris, essai qui réussit pleinement. Une étable fut construite près de la basse-cour et compta bientôt plusieurs petits en train de se civiliser, c’est-à-dire de s’engraisser par les soins de Nab. Maître Jup, chargé de leur apporter la nourriture quotidienne, eaux de vaisselle, rognures de cuisine, etc., s’acquittait consciencieusement de sa tâche. Il lui arrivait bien, parfois, de s’égayer aux dépens de ses petits pensionnaires et de leur tirer la queue, mais c’était malice et non méchanceté, car ces petites queues tortillées l’amusaient comme un jouet, et son instinct était celui d’un enfant.

Un jour de ce mois de mars, Pencroff, causant avec l’ingénieur, rappela à Cyrus Smith une promesse que celui-ci n’avait pas encore eu le temps de remplir.

« Vous aviez parlé d’un appareil qui supprimerait les longues échelles de Granite-house, monsieur Cyrus, lui dit-il. Est-ce que vous ne l’établirez pas quelque jour ?

— Vous voulez parler d’une sorte d’ascenseur ! répondit Cyrus Smith.

— Appelons cela un ascenseur, si vous voulez, répondit le marin. Le nom n’y fait rien, pourvu que cela nous monte sans fatigue jusqu’à notre demeure.

— Rien ne sera plus facile, Pencroff, mais est-ce bien utile ?

— Certes, monsieur Cyrus. Après nous être donné le nécessaire, pensons un peu au confortable. Pour les personnes, ce sera du luxe, si vous voulez ; mais pour les choses, c’est indispensable ! Ce n’est pas déjà si commode de grimper à une longue échelle, quand on est lourdement chargé !

— Eh bien, Pencroff, nous allons essayer de vous contenter, répondit Cyrus Smith.

— Mais vous n’avez pas de machine à votre disposition.

— Nous en ferons.

— Une machine à vapeur ?

— Non, une machine à eau. »

Et, en effet, pour manœuvrer son appareil, une force naturelle était là à la disposition de l’ingénieur, et que celui-ci pouvait utiliser sans grande difficulté.