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le secret de l’île.

— Espérez-vous donc, Pencroff, que ces coquins l’aient épargné ? demanda Gédéon Spilett.

— Oui ! s’ils ont eu intérêt à le faire !

— Quoi ! vous supposeriez qu’Ayrton, retrouvant ses anciens complices, oubliant tout ce qu’il nous doit…

— Que sait-on ? répondit le marin, qui ne hasardait pas sans hésiter cette fâcheuse supposition.

— Pencroff, dit Cyrus Smith en prenant le bras du marin, vous avez là une mauvaise pensée, et vous m’affligeriez beaucoup si vous persistiez à parler ainsi ! Je garantis la fidélité d’Ayrton !

— Moi aussi, ajouta vivement le reporter.

— Oui… oui !… monsieur Cyrus… j’ai tort, répondit Pencroff. C’est une mauvaise pensée, en effet, que j’ai eue là, et rien ne la justifie ! Mais que voulez-vous ? Je n’ai plus tout à fait la tête à moi. Cet emprisonnement au corral me pèse horriblement, et je n’ai jamais été surexcité comme je le suis !

— Soyez patient, Pencroff, répondit l’ingénieur. — Dans combien de temps, mon cher Spilett, croyez-vous qu’Harbert puisse être transporté à Granite-house ?

— Cela est difficile à dire, Cyrus, répondit le reporter, car une imprudence pourrait entraîner des conséquences funestes. Mais enfin, sa convalescence se fait régulièrement, et si d’ici huit jours les forces lui sont revenues, eh bien, nous verrons ! »

Huit jours ! Cela remettait le retour à Granite-house aux premiers jours de décembre seulement.

À cette époque, le printemps avait déjà deux mois de date. Le temps était beau, et la chaleur commençait à devenir forte. Les forêts de l’île étaient en pleine frondaison, et le moment approchait où les récoltes accoutumées devraient être faites. La rentrée au plateau de Grande-Vue serait donc suivie de grands travaux agricoles qu’interromprait seule l’expédition projetée dans l’île.

On comprend donc combien cette séquestration au corral devait nuire aux colons. Mais s’ils étaient obligés de se courber devant la nécessité, ils ne le faisaient pas sans impatience.

Une ou deux fois, le reporter se hasarda sur la route et fit le tour de l’enceinte palissadée. Top l’accompagnait, et Gédéon Spilett, sa carabine armée, était prêt à tout événement.

Il ne fit aucune mauvaise rencontre et ne trouva aucune trace suspecte. Son