Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/20

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À Paris, un jeune homme qui avait dix-huit ans vers 1878 ou 1879, venait d’assister à une apothéose d’Hugo, faite au théâtre avec les reprises d’Hernani, de Manon, de Ruy-Blas, avec Mounet en bandit superbe et le prestige de Sarah et sa voix inoubliablement fraîche et veloutée. Les tragédiens italiens, Rossi et Salvini, étaient venus sur une scène vide, vide du départ des rossignols italiens jugés oiseux dans leur Gazza Ladra, et la leçon de chant du Barbier, devant des salles vides malgré leur talent, jouer les grands drames shakespeariens, et Catulle Mendès les remerciait, en vers, d’être venus nous donner le grand coup d’éperon du drame.

C’était un bel antidote contre les matinées Ballandé recommandées par l’Alma mater à la jeunesse studieuse.

Ces jeunes gens virent aussi la réaction contre tout ce romantisme. C’était la fille de Roland acclamée, le nouveau Ponsard était très à la mode, pas tant que Déroulède exalté, pinaclisé, mais enfin on citait des mots du pauvre M. de Bornier, devenu le plus parisien des bibliothécaires quasi-suburbains.

On disait des poètes parnassiens d’alors, (Leconte de Lisle et Banville, leurs aînés, étaient bien peu populaires), qu’ils avaient forgé un outil excellent dont ils ne savaient pas se servir, que la coupe était fort bien ciselée, mais qu’ils n’y versaient que des vins d’Horace assez surets, définition peu applicable à Léon Dierx, aux autres non plus, et qu’on a toujours, malgré sa vieillesse, essuyée et mise en circulation pour toutes les écoles poëtiques. Le Naturalisme triomphait avec fra-