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portraits

double vision de la personnalité humaine ; des âmes pures presque invisibles, circulant au milieu de caricaturales et presque animales apparences. De Baudelaire sans doute sont venues à lui de belles visions de nuit, et de tristesse sous les étoiles, et de Wagner, la méthode symphonique de ses dernières œuvres et le culte de la cadence dans les phrases initiales des tirades. Certaines sont scandées, développées, rythmées comme de la musique. Le procédé éclate surtout dans l’Ève future. Dans Axel, la recherche de la cadence musicale est moins profonde, et fait place le plus souvent à une recherche de proportions serrées dans les répons dramatiques et les scènes antithétiques les unes aux autres. À côté de cette influence sur la façon d’écrire (car il n’en est guère trace dans l’intime pensée que reflètent les livres), Wagner eut encore pour l’écrivain français le prestige de celui qui avait fait son œuvre, tout son œuvre, grâce au concours des circonstances et de sa volonté (voir la Légende moderne, Histoires insolites), et peut-être l’exemple du réformateur allemand arrivé, après transes, au faîte de toute gloire, soutint-il souvent, dans la pénible vie littéraire, Villiers, et l’aida-t-il vers la force qui permet les œuvres de longue haleine.

La langue de Villiers est pure et son style ample ; sa nouveauté en français est sa rythmique musicale, non pas neuve en son existence même, puisque Les Bienfaits de la Lune l’indiquaient, mais en son harmonieux arrangement, sur la longue surface d’un livre ou d’un drame. S’il fallait, en faisant la part des influences citées plus haut, du temps et des matières de