Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/290

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têtes, les guerres ont mangé bien des hommes. Une sorte de restauration humaniste et mélodieuse de l’antiquité a avorté par la mort de Chénier ; l’art délicat d’un Chamfort a été de même interrompu ; un Rivarol, émigré à Hambourg, perd dans une ambiance différente ses plus claires qualités. C’est sur des décombres d’où ne percent que quelques voix médiocres et académiques s’occupant de versifier des Éloges, que monte le Romantisme préparé par l’influence de Rousseau, des faux Ossian, des chevauchées des Français à travers l’Europe, de leurs contacts avec des races différentes, et de leur connaissance nouvelle d’une Allemagne toute neuve qui vient d’échapper aux tutelles étroites de notre art. Louis XIV, et se réveille avec le Faust de Goethe. Les Affinités Électives relient cet art à celui de notre xviiie siècle français. Parmi l’essaim nombreux des premiers romantiques, s’élèvent Hugo et Lamartine ; Vigny s’y adjoint, indépendant d’eux, juxtaposé seulement. Hugo et Lamartine vont plus vite et c’est eux les poètes d’une génération qui, par un singulier contraste, admet toute leur beauté verbale, et rejette leurs idées, comme le prouva juillet 1830. Rien de pauvre comme le fond de philosophie cléricale et réactionnaire d’où procèdent Hugo et Lamartine. Aussi le vrai triomphe du Hugo de la Restauration et du temps de Charles X est dans la préparation et l’accomplissement de sa rénovation dramatique en un genre inférieur au poème pur, tout d’action, de cantilène, d’éclat. Hugo donne des drames de mouvement, d’extériorité. L’influence de Shakespeare s’universalise, et l’influence de Corneille agrafe au patrimoine français les