Page:Kahn - Symbolistes et Décadents, 1902.djvu/37

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abondance stylisée, d’une élégance nourrie, d’une nouveauté pleine de paillettes rares. De plus, Mallarmé, et ce fut un des secrets de l’affection qu’il provoqua, Mallarmé savait admirablement écouter. Il n’est point de plan littéraire, génial ou biscornu, qui ne lui ait été communiqué, et les beaux projets éveillaient un clairvoyant enthousiasme, les erreurs il les accueillait avec une urbanité qui voilait très peu un conseil toujours pratique et bienfaisant. Mallarmé me mit au courant ; le vers, on n’y touchait point, sauf Verlaine en quelques fantaisies qui allaient paraître dans Jadis et Naguère, au contraire, on raffinait. On inscrivait des rondels dans des sonnets, des sonnets dans des poèmes ; quant au poème en prose, il y avait eu, me dit Mallarmé, un mouvement de ce côté, auquel je n’étais pas étranger, et sans qu’il prétendît que de beaux poèmes en prose, qui paraissaient alors dans les quotidiens, avec quelques éléments rythmiques pareils aux miens, me dussent quelque chose dans les détails, il voulait bien croire que les miens avaient été comme le léger coup de doigt sur un tambour qui fait partir à côté une foule de tambours sous des roulements savants.

Laforgue avait terminé ses jolies Complaintes, si tendrement, si généreusement angoissées ; Cros montait tous les jours vers le Chat noir, il y avait suivi les Hydropathes et se laissait sombrer. Moi, je rapportais quelques textes que, malgré les conseils réitérés de Laforgue, je résolus de ne point publier, les voulant considérer comme des préludes insuffisants. Je rapportais aussi quelques idées très nettes.