Page:Kant-Mélanges de Logique (trad. Tissot), 1862.pdf/354

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d’apercevoir la possibilité d’un être tel que nous devons concevoir Dieu, aucune foi, aucune opinion fondée sur la vraisemblance d’une existence ne permet qu’une raison puisse concevoir l'impossibilité d’un objet, et en reconnaître par d’autres motifs la réalité.

Hommes d’intelligence et de grands sentiments ! j’honore vos talents et chéris votre humanité. Mais avez-vous bien réfléchi à ce que vous faites, et aux conséquences de vos actes contre la raison ? Sans doute vous voulez conserver une liberté de penser illimitée ; car sans elle ce serait bientôt fait même des élans du génie. Nous verrons ce qu’il adviendra naturellement de cette liberté de penser, si la conduite que vous commencez à tenir prend le dessus.

A la liberté de penser est d’abord contraire la contrainte civile. On dit, à la vérité, que la liberté de parler ou d’écrire peut sans doute nous être enlevée par un pouvoir supérieur, mais non la liberté de penser. Mais penserions-nous beaucoup et penserions-nous bien si nous ne pensions pour ainsi dire pas en commun avec d’autres auxquels nous communiquons nos pensées, et qui nous font part des leurs ? On peut donc bien dire que cette puissance extérieure, qui enlève aux hommes la liberté de communiquer publiquement leurs pensées, leur ôte aussi la liberté de penser, l'unique trésor qui nous reste encore malgré toutes les charges sociales, et qui peut