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KANT. — PÉDAGOGIE.


de l’occupation. Il ne faut pas laisser prendre aux enfants des habitudes qui deviennent ensuite des besoins. Même dans ce qui est bien, n’employez pas votre art à leur faire de tout une habitude.

Les peuples barbares ne connaissent pas l’usage des maillots. Les sauvages de l’Amérique, par exemple, creusent pour leurs jeunes enfants des trous dans la terre ; ils en garnissent le fond avec de la poussière de vieux arbres, afin que l’urine et les immondices s’y absorbent, et que les enfants puissent ainsi rester secs, et ils les couvrent de feuilles ; mais, du reste, ils laissent à leurs enfants le libre usage de leurs membres. Si nous enveloppons les enfants comme des momies, c’est simplement pour notre propre commodité, afin de nous dispenser de veiller à ce qu’ils ne s’estropient pas, et c’est pourtant ce qui arrive souvent par l’effet des maillots. Ils sont d’ailleurs très-douloureux pour les enfants eux-mêmes, et ils les jettent dans une sorte de désespoir en les empêchant de se servir de leurs membres. On croit alors pouvoir apaiser leurs cris en leur adressant certaines paroles. Mais que l’on enveloppe ainsi un homme fait, et l’on verra s’il ne crie pas aussi et s’il ne tombe pas aussi dans le chagrin et le désespoir.

En général il faut remarquer que la première éducation doit être purement négative, c’est-à-dire qu’on ne doit rien ajouter aux précautions qu’a prises la nature, mais se borner à ne pas détruire son œuvre. S’il y a un art permis dans l’éducation, c’est celui qui a pour but d’endurcir les enfants. — Il faut donc rejeter les maillots. Si cependant on veut prendre quelque précaution, ce qu’il y a de plus convenable est une espèce de boîte garnie de lanières par en haut. Les Italiens s’en servent