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KANT. — PÉDAGOGIE.


tains tableaux, mais cela ne paraît pas avoir de très-bons effets. L’histoire est un moyen excellent d’exercer l’entendement à bien juger. La mémoire est très-nécessaire, mais il n’est pas bon d’en faire un simple exercice pour les enfants, par exemple de leur faire apprendre des discours par cœur. Dans tous les cas cela ne sert qu’à leur donner plus de hardiesse, et la déclamation d’ailleurs est une chose qui ne convient qu’à des hommes. Ici se placent toutes les choses que l’on n’apprend qu’en vue d’un futur examen ou pour les oublier ensuite, in futuram oblivionem. On ne doit occuper la mémoire que de choses que l’on est intéressé à conserver et qui ont du rapport à la vie réelle. La lecture des romans est une très-mauvaise chose pour les enfants, car ils ne servent qu’à les amuser dans le moment où ils les lisent. Elle affaiblit la mémoire. Il serait en effet ridicule de vouloir les retenir et les raconter aux autres. Il faut donc retirer tous les romans des mains des enfants. En les lisant, ils se font à eux-mêmes dans le roman un roman nouveau, car ils en arrangent autrement les circonstances, et, laissant ainsi errer leur esprit, se repaissent de chimères.

Les distractions ne doivent jamais être tolérées, au moins dans l’école, car elles finissent par dégénérer en un certain penchant, en une certaine habitude. Aussi les plus beaux talents se perdent-ils chez un homme qui est sujet à la distraction. Quoique les enfants se distraient dans leurs recréations, ils se recueillent bientôt de nouveau ; mais on les voit surtout distraits, lorsqu’ils méditent quelque mauvais coup, car ils songent comment ils pourront le cacher ou le réparer. Ils n’entendent alors qu’à moitié, ils répondent