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ANALYSE CRITIQUE


du droit est l’ensemble des lois qui peuvent être converties en

    « tout usage de la liberté qui n’est limité par aucun impératif contraire prend le nom de droit ; » — « une action qui n’est ni défendue ni ordonnée est moralement indifférente. » Je ferai remarquer seulement que, s’il ya des actions qui, n’étant ni ordonnées ni défendues, sont moralement indifférentes, toute action n’a pas nécessairement ce caractère, par cela seul qu’elle ne peut être ni défendue ni ordonnée : il y a tel acte qu’on ne saurait ordonner, mais qui n’en a pas moins une valeur morale. — Kant se demande, au sujet des actions moralement indifférentes, si, outre la loi impérative, qui prescrit certaines actions, et le loi prohibitive, qui en défend certaines autres, il ne faut pas reconnaître encore une loi permissive qui laisse chacun libre de faire ou de ne pas faire à son gré certaines choses ; et il répond que, s’il y a une loi de ce genre, elle ne concerne pas seulement les actions indifférentes, lesquelles, à proprement parler, n’exigent point de loi particulière, mais des actions qui, sans être indifférentes au point de vue purement moral, sont cependant permises au point de vue du droit. — La distinction établie par notre philosophe entre ces deux points de vue est trop longuement développée dans le texte de ce travail pour qu’il soit nécessaire d’y revenir ici ; j’y renvoie le lecteur, et termine cette note par ces quelques simples et justes définitions : les actes émanant d’une volonté libre sont imputables à leurs auteurs ; ceux-ci en sont responsables. L’idée de l’imputabilité ou de la responsabilité a donc, comme l’idée de la personnalité, son fondement dans celle de la liberté. L’imputation est judiciaire, lorsque l’on juge que le fait entraîne des conséquences juridiques ; elle n’est plus alors du seul ressort de la conscience, mais elle relève du juge ou du tribunal. — Le jugement de mérite ou de démérite est lui-même une conséquence de celui d’imputabilité : lorsque ce dernier a pour objet une action qui dépasse la limite de ce que la loi peut exiger de nous, il la déclare méritoire ; lorsqu’au contraire l’action ne remplit pas la loi, elle est déméritoire ou coupable. Dans ce dernier cas, elle a pour effet juridique la peine ou le châtiment. Dans le premier cas, elle appelle une rémunération ; mais une légitime rémunération des actions ne peut exister en fait dans aucune relation juridique : à ce point de vue, la rémunération n’est plus qu’une récompense dont la promesse est employée par la loi comme un mobile ou comme un moyen d’encouragement. Quant aux actions qui ne contiennent que ce qui est dû, c’est-à-dire exigé par la loi, elles n’ont aucun effet juridique. — On pourrait croire qu’en parlant ici d’actes méritoires, Kant oublie qu’il a renfermé ailleurs toute la morale dans les limites du devoir (V. Examen de la critique de la raison pratique, Conclusion) ; mais, comme il distingue deux espèces de devoir, les devoirs de droit, qui seuls peuvent donner lieu à une législation et à une contrainte extérieures, et les devoirs de vertu, qui échappent à toute législation et à toute contrainte de ce genre, c’est dans l’accomplissement de ces derniers qu’il place le mérite moral. — Il fait remarquer aussi que le jugement d’imputabilité s’étend aux bonnes conséquences de toute action méritoire, comme aux conséquences de toute action injuste, mais qu’on ne saurait imputer à quelqu’un qui n’a fait que ce que la loi exigeait de lui, ou qui n’a pas fait ce qu’elle n’exigeait pas, les conséquences, bonnes ou mauvaises, de sa conduite. — Enfin, il faut mesurer le degré de l’imputabilité d’après la grandeur des obstacles opposés à l’agent