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INTRODUCTION.


de nos dispositions naturelles) le mobile de l’honneur, celui qui nous pousse à étendre nos connaissances et les autres du même genre peuvent seuls nous faire connaître, et encore d’une manière particulière à chacun, où nous pouvons trouver du plaisir ; c’est encore l’expérience qui nous enseigne les moyens de nous le procurer. Toute apparence de raisonnement à priori n’est ici rien autre chose au fond que l’expérience généralisée par l’induction, et cette généralisation (secundum principia generalia, non universalia) a si peu de valeur qu’elle permet à chacun d’y faire une infinité d’exceptions ; car chacun se fait un genre de vie conforme à ses inclinations particulières et à sa façon de sentir le plaisir, et nul ne peut apprendre enfin la prudence qu’à ses dépens ou à ceux d’autrui.

Mais il n’en est pas de même des préceptes de la moralité. Ils commandent à chacun sans égard à ses inclinations, par cela seul et à ce seul titre qu’il est libre et qu’il a une raison pratique. La connaissance de ces lois ne dérive pas de l’observation de nous-mêmes et de la partie animale de notre nature ; elle ne dérive pas non plus de la perception du cours des choses, de ce qui arrive et de la manière dont il arrive (quoique le mot allemand Sitten[1], de même que le mot latin mores, ne signifie que la manière ou façon de vivre) ; elle vient de la raison, qui ordonne ce qu’il faut faire, quand bien même il n’y en aurait encore eu aucun exemple, et n’a aucun égard à l’avantage qui peut nous en revenir et que l’expérience

  1. En français, mœurs.