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INTRODUCTION.


maxime qui ne peut être ainsi qualifiée est contraire à la morale.

Les lois procèdent de la volonté ; les maximes, de l’arbitre. Celui-ci est libre dans l’homme ; celle-là, qui n’a de rapport qu’à la loi, ne peut être appelée ni libre, ni non libre : elle ne se rapporte point aux actions, mais immédiatement à la législation sur laquelle doivent se fonder leurs maximes (c’est-à-dire à la raison pratique même), et c’est pourquoi elle est absolument nécessaire et n’est susceptible d’aucune contrainte. Il n’y a donc que l’arbitre qui puisse être appelé libre.

Mais on ne peut définir la liberté de l’arbitre, — comme quelques philosophes ont voulu le faire, — la faculté de choisir entre une action conforme ou une action contraire à la loi (libertas indifferentiæ), quoique l’arbitre, considéré comme phénomène, c’est-à-dire dans l’expérience, en présente beaucoup d’exemples. En effet, nous ne connaissons la liberté (en tant qu’elle nous est révélée pour la première fois par la loi morale) que comme une propriété négative, c’est-à-dire comme une propriété qui consiste à n’être nécessité à l’action par aucun mobile sensible. Mais, si l’on considère la liberté comme noumène, c’est-à-dire comme une faculté que l’homme possède en tant que pure intelligence, et que l’on se demande comment elle peut être nécessitante pour l’arbitre sensible, si par conséquent on la considère comme une propriété positive, il est impossible d’en trouver théorétiquement aucune exhibition. Tout ce que nous pouvons remarquer, c’est que, quoique l’homme, en tant qu’être sensible, montre, au témoignage de l’expérience, une faculté de choisir non-seulement d’une manière conforme, mais même d’une manière contraire à la loi, on ne peut pourtant pas définir par là sa liberté, comme propriété d’un être intelligible. C’est que des phénomènes ne sauraient nous faire connaître aucun objet supra-sensible (et tel est le libre arbitre), et que la liberté ne peut jamais consister dans le pouvoir qu’aurait le sujet raisonnable de faire un choix contraire à sa raison (législative) ; quoique l’expérience montre souvent qu’il en va ainsi (ce dont nous