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ANALYSE CRITIQUE


pas celui de l’auteur (1)[1], mais qu’il est très-permis de leur donner, on y peut fonder une division générale des devoirs de droit. La première formule, en nous ordonnant de vivre honnêtement, exprime l’obligation que nous impose le droit de l’humanité dans notre propre personne, c’est-à-dire le devoir qui consiste à ne pas abdiquer sa dignité d’homme, en faisant de sa personne un instrument au service d’autrui ; il s’agit ici, comme on le voit, d’un devoir purement interne. La seconde formule nous défend de faire tort à aucun de nos semblables, dussions-nous pour cela rompre toute liaison avec eux et fuir toute société ; elle s’applique à des devoirs externes. La troisième enfin, en nous prescrivant de rendre à chacun le sien, nous fait un devoir d’entrer dans un état de choses où, la propriété de chacun étant mise à l’abri des attaques d’autrui, tous puissent conserver ce qui leur appartient ; cette dernière formule aussi s’applique à des devoirs externes, mais elle donne un caractère nouveau aux relations des hommes entre eux.

Cette division des devoirs de droit correspond à la division suivante du droit lui-même : on sait qu’il ne s’agit ici que du droit naturel, non du droit positif ; c’est-à-dire de celui qui a directement sa source dans la raison, non de celui qui émane de la volonté de quelque législateur. Il faut distinguer d’abord en général dans le droit naturel le droit inné, que chacun tient de la nature même, indépendamment de tout acte juridique, et le droit acquis, qui suppose quelque acte de ce genre ; puis, dans le droit acquis, le droit privé, qui existe indépendamment de toute société civile ou politique, et le droit publie, qui préside à l’établissement et à l’organisation de cet état de société.

Droit inné.

Le droit inné, ou ce que Kant appelle le mien et le tien intérieurs, par opposition au mien et an tien extérieurs, qui sont nécessairement acquis, ne donne lieu à aucune division : il est unique 2[2]. Il n’est autre chose en effet que cette liberté naturelle dont chaque homme est doué par cela seul qu’il est homme, et qui est inviolable en chacun de nous, en tant du moins qu’elle peut s’accorder avec celle de tous. C’est sur elle que se

  1. (1) Le sens donné ici à ces formules est en effet très-arbitraire.
  2. 2 P. 56.