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DROIT POLITIQUE. J8i

serait déclaré, dans un seul et même jugement, le sou­verain de celui dont il est le sujet, ce qui est contradic­toire. Cette contradiction saute aux yeux, quand on se demande qui serait juge dans cette lutte entre le peuple et le souverain (car ce sont toujours, au point de vue juridique, deux personnes morales différentes) ; il est évident que le premier veut être juge en sa propre cause 4.

(1) La déchéance d'un monarque pouvant être considérée comme une renonciation volontaire à la couronne et une déposition de son pouvoir entre les mains du peuple, ou bien comme une abdication forcée, maie sans violence faite à sa personne, laquelle redescend alors à l'état de simple particulier, si le peuple peut du moins invoquer, en faveur de son crime, le prétexte du droit de nécessité (casus necessitatis), U n'a jamais le moindre droit de punir le souverain pour son administration passée; car tout ce que celui-ci a fait en qualité de souverain doit être considéré comme ayant été fait d'une manière extérieurement légitime, et lui-même, comme source des lois, ne peut agir injustement. De toutes les horreurs qu'entraîne le bouleversement d'un Etat par la révolte, la pire n'est pas encore V assassinat* du monarque; car on peut se représenter cette action comme l'effet de la f eur qu'a te peuple de trouver plus tard en lui, s'il le laissait vivre, un vengeur du passé, et ainsi ce ne serait pas un acte de justice pénale, mais simplement de conservation de soi-même. Mais ce qui saisit toujours d'une nouvelle horreur, chaque fois qu'elle y songe, une Ame qui a la conscience des droits de l'humanité, c'est une exécution solennelle, comme celle de Charles I" ou de Louis XVI. Com­ment s'expliquer ce sentiment, qui n'est pas ici un sentiment esthétique (un sentiment de compassion, un effet de l'imagination se mettant à la place du patient), mais un sentiment moral, résultant du renverse­ment complet de toutes les idées du droit? On regarde cet acte comme un crime immortel et ne pouvant jamais être expié {ctimen immortale, inexpiabile), semblable à ce péché dont les théologiens disent qu'il ne peut être remis ni dans ce monde ni dans un autre. L'explication de ce phénomène de l'esprit humain parait résulter des réflexions suivantes sur soi-même, lesquelles jettent elles-mêmes une vive lumière sur les prin­cipes du droit politique.

Toute transgression de la loi ne peut et ne doit s'expliquer que comme dérivant d'une maxime adoptée par le criminel ( celle de prendre cette action pour règle); car, si elle dérivait de quelque penchant sensible, il n'en serait pas l'auteur, comme être libre, et elle ne pourrait lui être

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