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DE LA DOCTRINE DU DROIT.


que je soumets à ma puissance et applique à mon usage, ce que je veux enfin qui soit mien est mien par cela même. Il est facile de déduire de là les divers moments que comprend le fait de l’acquisition originaire.

Moments de l’acquisition originaire.


Il faut d’abord que je prenne possession de l’objet. La condition de cette prise de possession, c’est qu’il n’appartienne à personne et que j’aie l’avantage de la priorité sur quiconque voudrait aussi s’en emparer ; autrement mon acquisition serait une atteinte portée à la liberté et aux droits d’autrui. Voilà donc un premier moment de l’acquisition originaire de quelque chose d’extérieur : l'appréhension d’un objet qui n’appartient à personne, ou ce que l’on appelle généralement la première occupation. Ce n’est pas tout : je ne dois pas me borner à prendre possession de l’objet ; il me faut encore déclarer que j’entends le faire mien et en interdire l’usage à tout autre. En effet, pour que l’acte de ma volonté puisse être respecté, il est nécessaire que je l’aie fait connaître ou que je l’aie rendu en quelque sorte public. La déclaration de possession est donc le second moment de l’acquisition originaire d’un objet. Enfin vient l’appropriation, qui n’est que la conséquence des deux moments précédents : c’est la possession elle-même recevant de ces deux moments un caractère juridique, et devenant dès lors indépendante des conditions de temps et d’espace. Tels sont les trois moments que Kant distingue dans le fait de l’acquisition originaire. Remarquons encore que cette espèce d’acquisition n’est jamais que l’effet d’une seule volonté ; car, si elle en exigeait plusieurs, résultant d’un contrat entre deux ou plusieurs personnes, elle dériverait de quelque chose qu’autrui aurait déjà fait sien, et par conséquent elle ne serait plus originaire.

Division de l’acquisition du mien et du tien extérieurs.

Le principe de l’acquisition posé et les moments de l’acquisition originaire ainsi déterminés, il faut voir comment se divise en général l’acquisition du mien et du tien extérieurs 1[1], afin de l’étudier successivement dans toutes ses divisions. Or on peut l’envisager sous deux points de vue principaux : celui de la matière ou de son objet, et celui de sa forme ou de son mode. Sous le premier point de vue, on peut acquérir soit une

  1. 1 P.87.