Page:Kant - Éléments métaphysiques de la doctrine du droit.djvu/434

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sans le consentement du premier, tenter de former un établissement (incolatus) et de prendre possession. — Si cet établissement est tellement éloigné du lieu où réside le premier peuple qu'aucun des deux ne puisse porter préjudice à l'autre dans l'usage de son territoire, le droit alors n'est pas douteux. Que si l'on a affaire à des peuples pasteurs ou chasseurs (comme les Hottentots, les Tongouses et la plupart des nations américaines), dont le genre de vie exige des contrées vastes et désertes, on ne peut avoir recours à la violence, mais il faut obtenir un contrat, et même il a'est pas permis de profiter de l'ignorance de ces indigènes relativement à la cession de leurs terres. A la vérité, on semble justifier d'une manière assez spécieuse la violence employée en pareil cas, en disant qu'elle tourne à l'avantage du monde, eoit qu'elle ait pour conséquence la culture de peuples sauvages (c'est le prétexte au moyen duquel Busching lui-même prétend justifier l'introduction sanglante de la religion chrétienne en Allemagne), soit qu'elle fournisse à son propre pays le moyen de se purger des hommes perdus qui lui sont à charge, et à ces hommes celui de se régénérer, eux ou leur postérité, en passant dans une autre partie du monde (comme dans la Nouvelle-Hollande) ; mais tous ces soi-disant bons desseins ne sauraient laver la tache faite par l'injustice des moyens qu'on y emploie. — Objectera-t-on qu'avec ce scrupule qui empêcherait d'employer la violence pour commencer à fonder un état légal, toute la terre serait peut-être encore à l'état de nature? Cette raison ne suspend pas plus le droit que ne le peut faire cette