Page:Kant - Éléments métaphysiques de la doctrine du droit.djvu/492

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Un pareil traité ne serait en effet qu’un simple armistice, une suspension d’armes, et non la paix, qui signifie la fin de toutes les hostilités, et à laquelle on ne peut ajouter l’épithète perpétuelle sans commettre par là même un pléonasme suspect. Le traité de paix anéantit tous les sujets de guerre qui peuvent s’offrir et qui peut-être même sont actuellement inconnus des parties contractantes, fussent-ils déterrés dans les documents des archives avec la plus merveilleuse habileté. — Se réserver méchamment de faire valoir plus tard, à la première occasion favorable, de vieilles prétentions, dont aucune partie ne peut faire actuellement mention, parce que toutes deux sont trop épuisées pour faire la guerre, c’est là une restriction mentale (reservatio mentalis) qu’il faut laisser à la casuistique des jésuites, et qui est au-dessous de la dignité des souverains, de même qu’il est au-dessous de celle de leurs ministres de se prêter à de semblables calculs. C’est ainsi qu’en jugera quiconque voudra bien voir la chose comme elle est. —

Mais, si, selon certaines idées qu’invoque la politique, la véritable gloire de l’État consiste à accroître continuellement sa puissance, par quelque moyen que ce soit, ce jugement n’est plus sans doute qu’une pédanterie scolastique.

II. « Aucun État indépendant (petit ou grand, cela ne fait rien ici) ne peut être acquis par un autre, par voie d’héritage, d’échange, d’achat ou de donation. »

Un État n’est pas en effet (comme le sol où il réside) un bien[ndt 1] (patrimonium) ; c’est une société d’hommes à laquelle ne peut commander et dont ne peut disposer personne, si ce n’est elle-même. Il a, comme une souche, ses propres racines ; et l’incorporer, comme une greffe, à un autre État, c’est lui enlever son existence de personne morale pour en faire une chose, ce qui est contraire à l’idée du contrat originaire sans laquelle on ne saurait concevoir de droit sur un peuple[1]. Chacun sait

  1. Eine Habe.


  1. Un royaume héréditaire n’est pas un État qui puisse passer par voie d’héritage à un autre État, mais où le droit de gouverner peut être transmis par cette voie à une autre personne physique. L’État acquiert alors un chef ; mais celui-ci, comme tel (c’est-à-dire s’il possède déjà un autre royaume), n’acquiert pas l’État.