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TRAITÉ DE PAIX PERPÉTUELLE


conduisent insensiblement à des sentiments réels de cette espèce.

Toute vertu humaine n’est que du billon dans le commerce ; celui qui le prend pour de l’or véritable n’est qu’un enfant. — Mieux vaut cependant du billon dans le commerce qu’aucun moyen d’échange de cette espèce, d’autant plus qu’il peut être à la fin converti en lingots, quoique avec un déchet considérable. Le donner pour de simple jetons absolument sans valeur ; dire avec le sarcastique Swift : « L’honnêteté est une paire de souliers qui sont allés dans la boue ; » ou bien avec le prédicateur Hofstede dans son attaque contre le Bélisaire de Marmontel : « Calomnier jusqu’à Socrate, pour que personne ne croie à la vertu, » c’est se rendre coupable de lèse-humanité. L’apparence même du bien doit avoir son prix pour autrui, parce qu’en jouant ainsi avec les dehors qui excitent le respect sans peut-être le mériter, on peut finir par prendre la chose au sérieux. — Il n’y a que le semblant du bien en nous-mêmes qui doive être dissipé sans ménagement, et le voile dont l’amour-propre couvre nos fautes morales déchiré, attendu que l’apparence nous trompe toujours lorsque, par des moyens sans valeur morale aucune, nous nous imaginons pouvoir expier nos fautes, ou qu’en rejetant tout moyen de cette nature, nous nous persuadons n’être point coupables, par exemple, lorsqu’on se représente le repentir du mal à la fin de la vie comme un amendement réel, ou une transgression délibérée comme une faiblesse humaine.