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DE L’INTELLIGENCE.


tement arrachée à un sommeil profond qu’elle est assoupie (schlaftrunken). — Elle n’a pas encore recouvré tous ses sens. — Dans l’état de veille même, on peut être subitement réduit à l’impuissance de se rappeler ce qu’on doit faire dans un cas imprévu ; c’est comme un obstacle à l’usage ordinaire et accoutumé de la réflexion, qui produit un état d’immobilité dans le jeu des représentations sensibles, état que l’on caractérise en disant que l’on est troublé, hors de soi (par joie ou par crainte), embarrassé, étourdi, déconcerté, qu’on a perdu la trantontane (1)[1], etc.

Cet état est comme un sommeil qui s’empare de nous subitement, et qui exige le recouvrement des sensations. Dans une violente passion excitée tout à coup (par exemple dans la frayeur, la colère et même la joie), l’homme est, comme on dit, hors de soi (dans une extase, lorsqu’on se croit saisi d’une intuition qui ne vient pas des sens) ; il ne se commande pas, et se

  1. (1) Tramontano ou tramontana signifie l’étoile polaire ; et perdere la tramontana, perdre le Nord (comme étoile du navigateur), signifie être hors de soi-même, ne savoir pas se retrouver.
    Dans la première édition, Kant ayant pris le tramontano pour un yent contraire du nord en Italie, ajoutait encore l’explication suivante : « Quand un jeune homme sans expérience entre dans une société plus brillante qu’il ne s’y attendait (surtout par les dames), il est facilement embarrassé au début de la conversation. Il serait malhabile à lui de commencer par une nouvelle du journal ; car on ne voit pas ce qui l’y aurait amené. Mais comme il vient de la rue, la pluie ou le beau temps est la meilleure manière de commencer, et s’il se trouble même en ce point (voy. à propos du vent du nord), alors, dit l’italien, il a perdu la tramontane. » Comparez à ce sujet la première observation du § 31, qui se trouve dans toutes les éditions. Schub.