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DE L'IMAGINATION


d’emprunter aux sens la matière de ses images. Mais les images ne sont pas si généralement communica-bles, d’après les simples souvenirs, que les notions intellectuelles. Mais on appelle aussi parfois (quoique improprement) la faculté d’avoir des représentations Imaginatives un sens ; c’est ainsi qu’on dit dans la conversation : cet homme n’a pas le sens de telle chose (bien que l’incapacité de saisir des représentations transmises et de les réunir en une pensée ne soit pas une incapacité du sens, mais en partie de l’entendement) ; il n’attache même aucune pensée à ce qu’il dit, et d’autres ne l’entendent par conséquent pas non plus ; il dit un non-sens (nonsense). Ce vice doit être distingué du défaut de sens, qui a lieu lorsque des pensées sont tellement associées entre elles, qu’une autre personne ne sait qu’en conclure. — Si le mot sens (mais au singulier seulement) est fréquemment employé comme synonyme du mot penser ; si même il doit indiquer un degré plus élevé encore de la pensée ; si l’on dit d’une proposition qu’elle a un sens fécond ou profond (de là le mot sentence), et si l’on appelle aussi le sens commun l’entendement sain ; si enfin on place le sens commun en première ligne, quoique cette dénomination n’indique proprement que le degré le plus bas de la faculté de connaître : tout cela tient à ce que l’imagination, qui soumet une matière à l’entendement pour servir d’étoffe aux notions intellectuelles (à la connaissance), semble donner une réalité aux intuitions (fictives), à cause de l’analogie qui existe entre elles et les perceptions réelles.