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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


qu’à ce titre elle ne saurait décliner toute réponse en prétextant un objet inconnu.

Il n’est donc pas aussi extraordinaire qu’il le paraît d’abord, qu’une science ait le droit de ne demander et de n’attendre, sur toutes les questions qui rentrent dans sa sphère (questiones domesticæ), que des solutions certaines, bien qu’on ne les ait peut-être pas encore trouvées. En dehors de la philosophie transcendentale Il y a encore deux sciences rationnelles pures, l’une en matière purement spéculative, l’autre en matière pratique ; je veux parler des mathématiques pures et de la morale pure. A-t-on jamais entendu un mathématicien, alléguant en quelque sorte l’ignorance nécessaire des conditions, donner pour une chose incertaine le rapport exact du diamètre à la circonférence en nombres rationnels ou irrationnels ? Comme ce rapport ne pouvait être naturellement donné par la première espèce de nombres, et qu’on ne l’avait pas encore trouvé par la seconde, on jugea que l’impossibilité de cette solution pouvait au moins être connue avec certitude, et Lambert en donna la preuve. Dans les principes généraux de la morale il ne peut rien y avoir d’incertain, puisque les propositions, sous peine d’être tout à fait nulles et vides de sens, doivent découler de nos concepts rationnels. Il y a au contraire dans la physique une foule de conjectures sur lesquelles il est impossible d’arriver jamais à la certitude, parce que les phénomènes naturels sont des objets qui nous sont donnés indépendamment de nos concepts et dont la clef par conséquent n’est pas en nous et dans notre pensée pure, mais en dehors de nous, de sorte que dans beaucoup de cas on peut fort bien ne pas la trouver et se voir ainsi forcé de renoncer à toute solution cer-