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DES PREUVES DE L'EXISTENCE DE DIEU


toute autre chose, c’est-à-dire dans ce qui contient toute réalité. Mais le tout sans bornes est unité absolue, et il implique le concept d’un être unique, c’est-à-dire de l’être suprême. La raison conclut ainsi que l’être suprême existe d’une manière absolument nécessaire, comme principe fondamental de toutes choses.

On ne saurait contester à ce concept une certaine solidité, quand il s’agit de se décider 1[1], c’est-à-dire quand une fois l’existence de quelque être nécessaire est accordée et que l’on convient d’en embrasser la cause, où qu’on veuille le placer ; car alors on ne peut faire un choix plus convenable, ou plutôt on n’a pas le choix, mais on est obligé de donner son suffrage à l’unité absolue de la réalité parfaite, comme à la source première de la possibilité. Mais si rien ne nous pousse à nous décider, et que nous aimions mieux ajourner toute cette affaire jusqu’à ce que nous soyons contraints par le poids des arguments à donner notre assentiment, c’est-à-dire s’il ne s’agit que de juger ce que nous savons sur cette question et ce que nous nous flattons seulement de savoir, le raisonnement précédent ne se montre plus à beaucoup près sous un jour aussi avantageux, et il a besoin que la faveur supplée au défaut des titres qu’il prétend faire valoir.

En effet, si nous laissons les choses comme elles se présentent ici à nous, c’est-à-dire si nous admettons d’abord que de quelque existence donnée (ne fût-ce que de la mienne) on peut légitimement conclure à l’existence d’un être absolument nécessaire, et ensuite qu’on doit regarder comme absolument nécessaire un être qui con-

  1. 1 Wenn von Entschlieszungen die Rede ist.