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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


fournir ? Ce n’est pas certainement celui d’un être suprême, puisque l’expérience ne nous présente jamais le plus grand de tous les effets possibles (comme devant témoigner de sa cause). Que s’il est permis, uniquement pour ne pas laisser de lacune dans notre raison, de combler ce défaut de complète détermination par une simple idée de perfection suprême et de nécessité originaire, c’est une faveur qui nous est accordée, ce n’est pas un droit qui puisse être exigé au nom d’une preuve irrésistible. La preuve physico-théologique pourrait donc bien donner de la force aux autres preuves (s’il y en a), en liant la spéculation avec l’intuition ; mais par elle-même elle prépare plutôt l’entendement à la connaissance théologique et lui donne plutôt à cet effet une direction droite et naturelle qu’elle n’est capable d’achever l’œuvre à elle seule.

On voit donc bien par là que les questions transcendentales ne permettent que des réponses transcendentales, c’est-à-dire des réponses fondées uniquement sur des concepts à priori, sans le moindre mélange empirique. Mais la question ici est évidemment synthétique et veut que notre connaissance s’étende au delà de toutes les limites de l’expérience, c’est-à-dire qu’elle s’élève jusqu’à l’existence d’un être qui doit répondre à notre idée, mais auquel aucune expérience ne saurait être adéquate. Or, d’après nos précédentes preuves, toute connaissance synthétique à priori n’est possible que parce qu’elle exprime les conditions formelles d’une expérience possible, et par conséquent tous les principes n’ont qu’une valeur immanente, c’est-à-dire qu’ils se rapportent simplement à des objets de connaissance empirique ou à des phénomènes. Il n’y a donc rien non plus à espérer de la méthode transcendentale par rapport à la théologie d’une raison purement spéculative.