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DE L’USAGE RÉGULATEUR DES IDÉES


à l’usage de l’expérience, les principes de l’unité systématique pourraient bien se présenter ainsi : diversité, affinité et unité, chacune prise comme idée dans le degré le plus élevé de sa perfection. La raison suppose les connaissances de l’entendement, lesquelles sont immédiatement appliquées à l’expérience ; puis elle en cherche l’unité suivant des idées, et cette unité va beaucoup plus loin que ne peut aller l’expérience. L’affinité du divers sous un principe d’unité, sans préjudice de la diversité, ne concerne pas seulement les choses, mais beaucoup plus encore les simples qualités et propriétés des choses. Aussi, quand par exemple le cours des planètes nous est donné comme circulaire par une expérience (qui n’est pas encore parfaitement confirmée) et que nous trouvons des différences, soupçonnons-nous que ces différences sont des déviations du cercle résultant d’une loi constante qui le fait passer par tous les degrés intermédiaires à l’infini, c’est-à-dire que les mouvements des planètes, qui ne sont pas circulaires, se rapprochent plus ou moins des propriétés du cercle et tombent dans l’ellipse. Les comètes montrent encore une plus grande différence dans leurs orbites, puisque (autant que l’observation permet d’en juger) elles ne se meuvent pas en cercle ; mais nous leur soupçonnons un cours parabolique, qui est voisin de l’ellipse, et qui n’en peut être distingué dans toutes nos observations, quand le grand axe est très-étendu. C’est ainsi que nous arrivons, en suivant la direction de ces principes, à l’unité générique de ces orbites dans leur forme, et par là à l’unité des causes de toutes les lois de leur mouvement (la gravitation) ; que partant de là nous étendons nos conquêtes, en cherchant aussi à expliquer par le même principe toutes les variétés et les apparentes dérogations