Page:Kant - Critique de la raison pure, traduction Barni, Flammarion, 1900, tome 1.djvu/87

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imagination dont la source doit être réellement cherchée dans l’expérience. C’est en effet, selon eux, avec des rapports abstraits de l’expérience que l’imagination a formé quelque chose qui contient bien ce qu’il y a en elle de général, mais qui ne saurait exister sans les restrictions qu’y attache la nature. Ceux qui adoptent la première opinion ont l’avantage de laisser le champ des phénomènes ouvert aux propositions mathématiques ; ils sont en revanche singulièrement embarrassés par ces mêmes conditions, dès que l’entendement veut sortir de ce champ. Les seconds ont sans doute, sur ce dernier point, l’avantage de n’être point arrêtés par les représentations de l’espace et du temps, lorsqu’ils veulent juger des objets dans leur rapport avec l’entendement et non comme phénomènes ; mais ils ne peuvent ni rendre compte de la possibilité des connaissances mathématiques a priori (puisqu’il leur manque une véritable intuition a priori, objectivement valable), ni établir un accord nécessaire entre les lois de l’expérience et ces affirmations. Or ces deux difficultés disparaissent dans notre théorie, qui explique la véritable nature de ces deux formes originaires de la sensibilité.

Que l’esthétique transcendantale ne puisse rien contenir de plus que ces deux éléments, à savoir l’espace et le temps, cela résulte clairement de ceci, que tous les autres concepts appartenant à la sensibilité supposent quelque chose d’empirique, et de même aussi le concept du mouvement, qui réunit les deux éléments. Ce dernier, en effet, présuppose la perception de quelque chose qui se meut. Or, dans l’espace considéré en soi, il n’y a rien de mobile. Il faut donc que le mobile soit quelque chose que l’expérience seule peut trouver dans l’espace, par conséquent une donnée empirique. Par là même, l’esthétique transcendantale ne saurait compter parmi ces données a priori le concept du changement, car ce n’est pas le temps lui-même qui change, mais quelque chose qui est dans le temps. Ce concept suppose donc la perception d’une certaine chose et de la succession de ses déterminations, par conséquent l’expérience.