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ANALYTIQUE DU BEAU


qu’elle peut avoir, comme de servir à la danse des villageois, je ne trouve pas dans la simple forme de l’objet le moindre concept de perfection. Mais se représenter une finalité formelle objective sans fin, c’est-à-dire la simple forme d’une perfection (sans matière et sans le concept de ce avec quoi il faut qu’il y ait accord), c’est une véritable contradiction.

Or le jugement de goût est un jugement esthétique, c’est-à-dire un jugement qui repose sur des principes subjectifs et dont le motif ne peut être un concept, et par conséquent le concept d’une fin déterminée. Ainsi la beauté, étant une finalité formelle et subjective, ne nous fait point concevoir la perfection de l’objet, ou une finalité soi-disant formelle et pourtant objective. C’est donc une erreur de croire qu’entre le concept du beau et celui du bon il n’y a qu’une différence logique, c’est-à-dire que l’un est un concept vague et l’autre un concept clair de la perfection, mais que tous deux au fond et quant à leur origine sont identiques. S’il en était ainsi, il n’y aurait point entre eux de différence spécifique, et un jugement dégoût serait un jugement de connaissance tout aussi bien que le jugement par lequel quelque chose est déclaré bon. Il en serait ici comme quand le vulgaire dit que la fraude est injuste : il fonde son jugement sur des principes confus, tandis que le philosophe