Page:Kant - Critique du jugement, trad. Barni, tome premier.djvu/305

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n’est plus qu’extravagance du moment que sa liberté n’a plus de lois ; et c’est le Jugement qui la met en harmonie avec l’entendement. Le goût, comme lle Jugement en général, est la discipline du génie ; il lui coupe les ailes, il le morigène et le polit, mais en même temps il lui donne une direction, en lui montrant où et jusqu’où il peut s’étendre, pour ne pas s’égarer ; et, en introduisant la clarté et l’ordre dans la foule des pensées, il donne de la fixité aux idées, il les rend dignes d’un assentiment durable et universel, et propres à servir de modèle aux autres et à concourir aux progrès toujours croissants de la culture du goût. Si donc, dans la lutte de ces deux facultés, il fallait sacrifier quelque chose, ce devrait être plutôt du côté du génie ; et le Jugement, qui, dans les choses des beaux-arts, décide par des principes qui lui sont propres, souffrira moins volontiers qu'on déroge à l’entendement qu’à la liberté et à la richesse de l’imagination.

Les beaux-arts exigent donc le concours de l'imagination, de l'entendement, de l'âme et du goût[1].

  1. Les trois premières facultés doivent, en définitive, leur union à la quatrième. Hume dans son histoire, donne à entendre aux Anglais que, quoiqu’ils ne le cèdent en rien dans leurs œuvres à aucun peuple du monde, relativement aux trois premières facultés considérées séparément, ils sont inférieurs à leurs voisins, les Français, par celle qui unit toutes les autres.